En 2022, la MAIF, mécène "fondateur" de la Fondation Poitiers Université a souhaité s'engager aux côtés de la Fondation sous une nouvelle forme de partenariat : le mécénat de compétences. Ainsi, entre 2022 et 2024, un collaborateur de la MAIF a mis ses compétences au profit des actions de la Fondation. Dans cet entretien croisé, nous revenons sur cette expérience enrichissante avec Thierry Charron, salarié de la MAIF, et Thierry Ferreira, Délégué général de la Fondation Poitiers Université.
Thierry Charron, salarié de la MAIF, et Thierry Ferreira, Délégué général de la Fondation Poitiers Université
Thierry Charron, salarié de la MAIF, et Thierry Ferreira, Délégué général de la Fondation Poitiers Université

Tout d’abord, Thierry Charron, pouvez-vous vous présenter et nous dire ce qui vous a conduit à rejoindre ce programme de mécénat de compétences ?

Thierry Charron : J’ai 62 ans, 3 enfants et je réside à Niort depuis de nombreuses années. J’ai intégré la MAIF en janvier 1988, j’y ai effectué toute ma carrière, le plus grand nombre d’années en tant que référent technique contrats en matière d’adhésion et d’assurance automobile notamment. S’agissant du mécénat de compétences, il découle d’un dispositif de retraite progressive mis en place par la mutuelle, lequel comprend parmi divers aspects, une possibilité de rejoindre en fin de carrière une structure à but non lucratif sur un temps annualisé correspondant à une ou deux journées de travail hebdomadaire. Le dispositif m’a intéressé et j’ai donc pris contact avec les collègues chargés du mécénat au sein de la RH.

Comment est né le partenariat entre la MAIF et la Fondation Poitiers Université ?

Thierry Ferreira : Notre Fondation a pour objectif de soutenir par le mécénat des projets portés par les membres de la communauté Universitaire (étudiants, chercheurs, enseignants et personnels administratifs) dans les domaines de l’innovation technologique et sociale, de la solidarité et de l’écologie. Si le mécénat sous forme de don en numéraire est bien entendu essentiel pour faire vivre les projets, nous ressentions l’énorme potentiel que pourrait constituer le mécénat de compétences pour une Fondation comme la nôtre, du fait de la diversité des programmes accompagnés et, en conséquence, du vaste champ des compétences à mobiliser pour les soutenir au mieux. La MAIF partageant nombre de nos valeurs et s’étant inscrite comme un partenaire historique de la Fondation Poitiers Université depuis 2009, c’est donc tout naturellement que nous sommes tournés les uns vers les autres dans l’objectif d’expérimenter ce type de mécénat.

Thierry Charron : Ma motivation principale a été le souhait, par le biais du dispositif proposé, de pouvoir apporter dans un cadre à déterminer, mais différent du bénévolat, un temps de travail utile à une association. Il y avait certainement l’idée de « rendre » une part, même réduite, de ce que la vie professionnelle m’a apporté. Le projet proposé par la Fondation Poitiers Université a très rapidement coché toutes les cases : les contours de la mission, autour de la solidarité alimentaire étudiante ; l’excellent contact dès les premiers échanges avec Thierry Ferreira et sa motivation à faire en sorte que la mission se réalise ; et puis… l’envie de retrouver 40 ans plus tard l’université de Poitiers, l’impression de « boucler la boucle » !

Sur quels projets ont porté les missions du mécénat de compétences ?

Thierry Charron : L’objectif principal de la mission était d’étudier la faisabilité de la mise en œuvre d’un dispositif de lutte contre la précarité alimentaire étudiante sur le site du Pôle Universitaire Niortais (PUN). Dans ce cadre, j’ai été amené à travailler sur la mise en place à Niort d’un service de Paniers Bio Solidaires destiné aux étudiants niortais, à l’instar de ce qui existe à Poitiers et Angoulême. Chaque site ayant ses particularités, le travail a pris les contours d’un mode projet : évaluation des besoins, prise de contacts avec les différents acteurs (PUN, Maison des Etudiants, étudiants naturellement), recherche de relais et de fournisseurs. Ce travail préparatoire a débouché dès les mois de mars/avril 2023 sur une phase test avec l’appui de l’épicerie sociale et solidaire « Le Cabas Solidaire » et l’apport de fruits et légumes provenant de fournisseurs locaux (lycée agricole de Niort et Panabio, maraîcher à Melle). L’essai a été transformé à la rentrée 2023 et le service a fonctionné durant toute l’année universitaire avec Le Cabas Solidaire et Panabio.

En 2023-2024, j’ai pu participer à la réponse de la Fondation Poitiers Université à l’Appel à Projets « Mieux Manger pour Tous ». Dans ce cadre, j’ai travaillé en lien avec l’AGORAé Poitiers afin d’étoffer et de compléter l’offre alimentaire de l’épicerie sociale étudiante, en s’appuyant sur des producteurs locaux. Après recherches, contacts et démarches, un lien a été établi avec une épicerie locale « Au gré des saisons », laquelle est déjà le fournisseur de la Maison des Etudiants pour les Paniers Bio Solidaires. Un test a été effectué sur des livraisons en juin et début juillet, test qui s’est avéré très positif (satisfaction des étudiants, offre complémentaire de celle de la Banque alimentaire et de celle des Paniers Bio Solidaires, circuit court, circuit logistique, facilité et simplicité de traitement par les étudiants bénévoles de l’AGORAé).

Thierry Ferreira : Ce mécénat de compétence nous a permis de développer tout un nouveau programme solidaire sur le campus de Niort, que nous n’aurions pas eu la « force » de mener sans le soutien de Thierry Charron. Cela a permis aux étudiants d’avoir accès à des produits locaux et bios à des prix réduits, mais également d’initier de nouveaux partenariats entre l’Université et les acteurs du territoire, qui ont tous répondu présents aux sollicitations de Thierry Charron, avec beaucoup d’enthousiasme !

Quel bilan tirez-vous de cette expérience de mécénat de compétences après deux ans ?

Thierry Ferreira : Sincèrement, nous ne pouvions rêver mieux pour une première expérience. Bénéficier, pour une Fondation comme la nôtre, des compétences d’une personne aussi qualifiée, partageant en outre les mêmes valeurs, a été un apport professionnel et personnel inestimable. Comme je le précisais, il n’aurait pas été possible de réaliser la mise en œuvre de ce programme sans ce mécénat de compétences. Il nous a ainsi ouvert de nouvelles perspectives et nous a permis d’améliorer la visibilité de notre action sur le site de Niort.

Thierry Charron : Avec le recul, j’ai toujours été en lien, direct ou indirect, avec les étudiants et l’Education Nationale (étudiant moi-même à Poitiers, maître d’internat, salarié MAIF et longtemps chargé des dossiers d’adhésion à la Mutuelle), revenir auprès des étudiants et a fortiori dans le cadre de la mission confiée était une suite logique presque naturelle. Comme je l’ai dit précédemment, la boucle est bouclée, en soi c’est déjà une forme d’enrichissement personnel et professionnel. Plus en détails, la mission m’a permis de faire appel à des compétences acquises au cours de ma vie professionnelle au service d’actions concrètes et sur des temps courts. Partir d’une page blanche et être présent lors de la mise en place concrète, vivante, d’un projet est une belle aventure, enrichissante et plutôt satisfaisante. Elle m’a permis également de rencontrer et d’échanger avec des personnes d’horizons divers que je n’avais pas forcément eu l’occasion de côtoyer auparavant (maraichers, acteurs de tiers-lieux, commerçants…). Bref, j’ai appris et j’ai pu aiguiser ma curiosité dans le cadre de l’écosystème alimentaire, et en particulier celui de la solidarité alimentaire.

Quelles sont les perspectives pour ce programme de mécénat de compétences au sein de la Fondation Poitiers Université ?

Thierry Ferreira : Les besoins sont importants au sein de notre Fondation et auprès de nos partenaires. Nous sommes donc extrêmement enthousiastes à continuer ce type de partenariat, même si nous sommes conscients qu’il est essentiel de garder un lien avec le « bénévole » afin qu’il ne se sente pas « livré à lui-même », ce qui peut s’avérer parfois complexe du fait de l’éloignement géographique et de la charge de nos missions. La personnalité de Thierry Charron était compatible avec un fonctionnement en grande autonomie, mais il faudra être à l’écoute des besoins de chacun afin que la dynamique soit positive. Du fait de la diversité de nos missions, je pense que nous sommes en mesure de proposer aux volontaires un poste qui leur convient, en fonction de leurs compétences, de leurs envies et de la disponibilité qu’ils ont à nous offrir. J’invite donc les personnes intéressées à se rapprocher de notre Fondation afin qu’elles puissent découvrir la richesse de nos actions : je ne doute pas qu’elles trouveront « chaussure à leur pied » !

Recommanderiez-vous ce type de programme à d’autres entreprises, à d’autres professionnels proches de la retraite ?

Thierry Charron : Oui, sans hésitation ; au plan humain, le mécénat de compétences permet de découvrir un ou d’autres univers que celui ou ceux que l’on a pu connaitre, d’autres collègues et interlocuteurs. Il peut être la manifestation que des compétences acquises dans le milieu professionnel d’origine peuvent être utiles dans un autre contexte. Des compétences du tertiaire assorties de certaines qualités relationnelles peuvent permettre, non seulement de mener des projets, mais d’aboutir à des réalisations très concrètes. Ce n’était pas mon cas, mais pour des futurs retraités qui s’inquiètent du saut vers l’inconnu de la cessation d’activité, cela peut constituer un sas, une situation qui préserve le sentiment d’être utile.

Un point de vigilance toutefois, je pense qu’un mécénat sera « heureux » :
– si l’on a véritablement envie de s’y lancer, pour une fois nous avons le choix de travailler ou pas, autant ne pas le faire que pour s’occuper ;
– s’il y a une forme de rencontre entre la mission et les souhaits et compétences du futur retraité ;
– et enfin, cerise sur le gâteau, si une excellente relation humaine s’établit avec la nouvelle équipe.

Thierry Ferreira : Dans une époque complexe où nous n’avons jamais eu autant besoin de solidarité et d’échanges apaisés, en particulier intergénérationnels, le mécénat de compétences constitue pour moi un formidable outil de cohésion sociale. Une Université comme la nôtre est un magnifique réservoir d’idées et de « pulsions de vie » qui ne nécessitent que d’être accompagnées et partagées. Pouvoir s’appuyer sur des personnels compétents issus de la société civile, qui vont apporter une véritable valeur ajoutée aux projets tout en se nourrissant de leur dynamique, est un levier inestimable de réussite et d’épanouissement… pour tous !

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